Jean-Gilles Badaire - Marcher dans une solitude heureuse
8 octobre - 4 décembre 2022

Vernissage le samedi 8 octobre à partir de 16h

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La pluie sur l'étang de la Brenne (mai 2021) - technique mixte sur toile - 54 x 65 cm

Ce sentiment de mélancolie profonde liée intimement au paysage, Rilke l’a magistralement assigné à l’évolution même du genre dans un court texte, justement intitulé Sur le paysage, qui est sa toute première réflexion esthétique. Il y explique que, après l’Antiquité et le Moyen Age, au cours desquels le paysage n’est jamais abordé en soi mais toujours dans son rapport à l’homme, où il sert même d’ornement à la figure humaine, les artistes de la Renaissance vont commencer à saisir ce genre comme un indice de la séparation de l’homme et du monde. Il écrit ainsi que Léonard « a ressenti également le paysage comme le moyen d’expression d’une expérience, d’une profondeur et d’une tristesse presque indicibles. » Peu importe le caractère contestable de l’attribution à Léonard de cette conception nouvelle ; ce qui importe ici, c’est le fait que Rilke pressent que la modernité va progressivement saisir le paysage sans l’homme, qu’elle va le représenter en soi, étranger à l’homme et non plus comme une projection de sa Weltanschauung.

Il formule ainsi une intuition fondamentale : celle d’une lente évolution par laquelle le paysage ne se rapporte plus à l’homme, s’en éloigne, et que c’est paradoxalement dans cet éloignement que le peintre va pouvoir enfin le saisir, ou plutôt en présenter la radicale altérité ; le paysage devient alors une réalité irréductible, un « être là » qui, au fond, n’est plus vraiment compréhensible, et devient donc représentable. C’est, je crois, dans cette ombre portée qu’il faut être saisi par les paysages de Jean-Gilles : ils désignent, en silence, une sorte de nostalgie calme de la séparation, qui n’est pas nécessairement à comprendre sur le mode de la perte. Il n’y a pas de tragique ici, et c’est d’ailleurs ce que nous dit sa joie de peindre. Il y a, bien plutôt, l’acceptation d’une lenteur, d’un « être avec » dans le mouillé des trajectoires, l’indécis des contours, la largesse du geste et de la matière étalée, lénifiée pour nous. C’est dans ce paradoxe, présenté comme un fait et non pas exhibé comme une pensée, que se tient le paysage de Badaire : enjoignant à rejoindre ce dont nous sommes à jamais, et heureusement, séparés.
Yannick Mercoyrol, directeur de la programmation culturelle et du patrimoine - Domaine national de Chambord

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Pour le Comtat (avril 2021)
technique mixte sur toile
61 x 50 cm

Grève pour Jules Lesquier (juin 2017)
technique mixte sur toile 
65 x 54 cm

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Horaires de l'exposition :

  • du 8 octobre au 4 décembre : samedis, dimanches et jours fériés / 10h-12h30 et 14h30-19h
  • lundi 31 octobre et mardi 1 novembre : 10h-12h30 et 14h30-19h
  • vendredi 11 novembre : 10h-12h30 et 14h30-19h

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